Un extrait de mon nouveau roman : L'ombre du secret.

Publié le par Jean Vigne

Elle est perdue. Rien, aucun repère, aucune odeur, aucune piste quant à la direction à prendre. Après une chute interminable, entraînée par un courant d’air terrible digne d’une tempête, la voici seule, au milieu d’un univers qui n’est pas le sien. Une lumière diffuse se glisse le long de ce tunnel sans fin, petite lueur éparse entrecoupée de zones d’ombre. Cela ne l’effraie nullement, les entrailles terrestres font partie de son lot quotidien.

Que fait-elle ici ? Aucune importance, elle doit reprendre le travail, comme toujours. Ainsi en est-il de sa condition, ses sœurs comptent sur elle. Parcourant la surface froide et métallique, elle trouve subitement ce qu’elle espérait tant, l’objet de sa quête quotidienne. Il est colossal, deux fois sa hauteur, mais cela ne l’inquiète guère, elle a connu pire. D’un geste sûr, elle l’agrippe et le soulève sans peine. Elle ne sait où aller ; alors, elle choisit au plus simple, tout droit !

Soudain, un sifflement violent se fait entendre. Bientôt, le souffle de la terre l’enveloppe, terrible vortex. Il essaye, de sa force cruelle, de l’arracher à ce sol trop lisse. D’un dernier effort, elle s’accroche, mais la charge est trop lourde… contrainte et forcée, elle lâche cet objet pourtant capital à ses yeux. Il disparaît rapidement dans les profondeurs de ce vaste corridor. Agrippée au sol, elle ne sait combien de temps elle pourra tenir. Cela non plus n’est pas sa préoccupation première : la notion du temps est une chose si abstraite…

Soudain, un bruit plus sourd perce les ténèbres, un choc qui monte des entrailles de la terre. Un autre, encore… Elle ne peut pas bouger et pourtant, elle pressent le danger grandissant. Une masse obscure s’approche, envahit l’espace, une ombre titanesque. Elle masque de sa présence néfaste une partie de ce couloir.

Au-dessus d’elle, la lumière s’affaisse, le vent se fait violence, une tornade verticale l’écrase. Une forme couvre la voûte tout entière, impossible de lui échapper ! Elle s’abat sur elle avec une véhémence sans nom. Elle sent son corps éclater, ses membres se détacher, sa vie s’extirper… et ses sœurs qui comptaient tant sur elle…

 

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La sueur coule sur son front. Un mal de coude terrible, les genoux qui râpent, aucune importance, il faut avancer. Inutile de prendre des précautions, de toute manière, il est repéré. Ces tortionnaires sont à ses trousses et lui est enfermé dans ce tube d’un mètre de large sur moitié de haut. Ramper pour sa survie comme une bête aux abois, le destin est mauvais joueur.

Une matière visqueuse l’interpelle. Observant d’un œil interrogateur sa paume, il y découvre un minuscule insecte écrasé. Une fourmi, pense-t-il amusé. Jamais il n’a eu l’occasion d’en croiser une.  Juste quelques photos, un ou deux films visionnés, rien de plus. Que fait cette petite chose dans ce tube d’aération, bien loin de la surface ? Il pourrait déplorer la mort de cette petite chose innocente, il aimerait le faire si seulement il connaissait la valeur du mot regret. Mais le temps lui manque pour jouer au jeu des découvertes. D’un revers de manche, il essuie le sel qui dévore ses yeux. Une grille d’aération, enfin !

         D’un coup de genou, il éjecte le fragile obstacle, se faufile à travers le maigre passage, le regard fou. Son cœur tambourine dans sa poitrine, son sang afflue dans ses tempes, il est survolté. Sans attendre, il saute en contrebas, se réceptionne tant bien que mal : personne dans les parages !

         Le long couloir à la peinture aseptisée semble désert. Apparence trompeuse ou réalité ?

      Pas le temps de s’éterniser. À droite ? À gauche ? Il détaille la petite pancarte vissée au mur : 2-B1, 2-C2, inutile d’espérer comprendre ce jargon directionnel. D’une démarche mal assurée, il prend finalement une décision : à droite. Au bout, une porte semble l’attendre, peut-être la sortie de cet enfer technologique. Devant la poignée, le doute se forme. Et s’il fallait un badge électronique pour franchir l’obstacle ? Actionnant l’ouverture, il est rassuré. La porte s’ouvre sans encombre. Un ronronnement monotone lui parvient. Une machine, une de plus. Jetant un coup d’œil rapide, il est satisfait de n’apercevoir aucune âme qui vive : ni garde, ni molosse, pour garder cette salle gigantesque. Des poutrelles métalliques culminent à une dizaine de mètres, couvertes par de puissants projeteurs. D’un pas prudent, il pénètre dans cette cathédrale souterraine, dédiée à un culte bien différent de celui d’un Dieu quelconque. Tout est calme, trop peut-être. Certes, l’heure est tardive, mais cela l’étonne. Sa fuite fut un réel succès. Du moins, jusqu’au tragique instant où le garde assommé eut l’étrange idée de se réveiller.

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